Soir d’hiver par Émile Nelligan

Soir d’hiver

Ah! comme la neige a neigé!

Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu’est-ce que le spasme de vivre
Ô la douleur que j’ai, que j’ai!

Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire: Où vis-je? où vais-je?
Tous ses espoirs gisent gelés:
Je suis la nouvelle Norvège
D’où les blonds ciels s’en sont allés.

Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.

Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu’est-ce que le spasme de vivre
A tout l’ennui que j’ai, que j’ai!…

Commentaire personnel

Un des poèmes les plus connus de Nelligan, surtout le fameux vers… et encore et toujours un de mes préférés. Même si le poème semble froid et triste. Pour moi, il est calme et doux. Un rêve blanc, glacé, mais à travers une vitre… Le noir et le blanc sont dans chaque vers, la vie et la mort. Pour arriver plutôt à une immobilité… que semble déplorer le poète. Semble… mais tout est semblant dans les poèmes de Nelligan. Alors que tout est mortellement réel dans ces vers, le symbolisme et surtout l’illusion y sont présents aussi.

Le poème me laisse mélancolique, nostalgique. Bizarrement, il me rappelle les plus belles neiges et les plus horribles froids. Il me rappelle la douleur mais aussi la joie… Cette douleur de la vie me semble gelée dans la glace. Le givre de la vitre me raconte des histoires. L’étang me miroite mon âme parfois si triste.

La neige qui enseveli mon ancien chez-moi me semble lointaine. Les images qui sont parvenues jusqu’à moi, les histoires qu’on m’a racontées m’ont plongée dans la réflexion et les souvenirs. Et m’ont rappelé ce vers si connu… que sûrement beaucoup de personnes ont répété ces dernières semaines… « Ah! comme la neige a neigé!»… Et alors que février est loin, que les fleurs et bourgeons apparaissent partout, ce poème m’a aussi ramené à ces émotions qui m’assaillent ces derniers temps… et le givre n’est pas que sur les fenêtres québécoises. Immatériel, invisible, chaud et froid… sur les humeurs des mes jours.

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