Le Vide de Sénécal

VSLe Vide / Patrick Sénécal. — [Québec] : Alire, 2007. –642 p. ; 22 cm.

Quatrième de couverture

Pierre Sauvé
À l’orée de la quarantaine, veuf, père d’une fille de vingt ans. Sergent-détective à la police municipale de Drummondville, il enquête sur un quadruple meurtre qui a toutes les apparences d’un crime passionnel.

Frédéric Ferland
Début de la cinquantaine, divorcé, père de deux adultes qu’il ne voit guère, il cherche depuis des années l’excitation ultime, celle qui donnera un sens à son existence et à la vie en général, qu’il a toujours trouvée terne. Psychologue, il exerce sa profession dans la ville de Saint-Bruno.

Maxime Lavoie
Trente-sept ans, célibataire, idéaliste et milliardaire. Il y a deux ans, il a quitté ses fonctions de président de Lavoie inc. pour devenir le producteur et l’animateur de Vivre au Max, l’émission de téléréalité la plus controversée de l’heure… mais aussi la plus populaire.

Trois hommes différents, trois existences que tout sépare. Or, contre toute attente, leurs chemins se croiseront bientôt et leur vie en sera bouleversée à jamais. Tout comme celle de milliers de gens… tout comme la vôtre !

L’auteur 

Patrick Senécal est né en 1967 dans la ville de Drummondville au Québec. Patrick Senécal aime particulièrement l’écriture forte où les émotions, la tension, le suspense, la terreur et le fantastique se mélangent. Parallèlement à son écriture, Senécal continue aujourd’hui d’enseigner au Cégep de Drummondville.

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Résumé (attention spoilers)

Pierre Sauvé est policier. Il vit à Drummondville. Sa vie se résume à sa carrière. Il adore son métier. Peut-être trop. Sa femme le quitte et elle part avec leur petite fille. Pierre comprend mal, mais tente de vivre cette séparation. Alors qu’il est en retard pour venir chercher sa fille, il se cogne à une porte fermée. Il attend et attend. Malheureusement, le pire arrive, son ex-femme est retrouvée noyée et il doit maintenant prendre la garde sa petite fille, traumatisée par la mort de sa mère. Il n’arrivera jamais à établir un contact avec sa fille qui le quitte à ses 17 ans pour aller vivre sa vie à Montréal. Pierre continuera à se perdre dans son travail.

Parallèlement, le roman nous présente Maxime Lavoie. Son père, homme d’affaires riche et célèbre, meurt brutalement d’une crise cardiaque en compagnie de sa dernière conquête. Maxime, qui méprise son père, ses affaires et son mode de vie, doit venir identifier le corps. Le bras droit de son père, Masima, lui conseille vivement de prendre la relève de son père, dont Maxime vient d’hériter de toute la fortune. Maxime ne veut tout d’abord rien savoir, mais accepte finalement. Avec le soutien de son meilleur ami, Francis, il croit pouvoir changer les pratiques d’une grosse multinationale. Mais essayer de rester honnête et juste dans ce monde est très difficile. Et après la mort accidentelle de Francis, Maxime n’en peut plus. Un voyage qui tourne à l’horreur change complètement sa vie. Il abandonne la direction de l’entreprise de son père et décide de se consacrer à la production et réalisation d’une émission de téléréalité complètement irréelle qui permet aux gens de réaliser leur rêve le plus fous. Mais Maxime a un objectif caché derrière cette émission vide de sens.

Alors que les premières émissions commencent avec grand succès, un téléspectateur cherche à auditionner afin de rencontrer Maxime. Frédéric Ferland croit avoir enfin trouver quelqu’un qui comprend le vide de l’existence. Cela fait plusieurs années que Frédéric cherche à combler ce mal de vivre qui le poursuit: sexe, sport extrême, meurtre, il considère même le suicide. Mais sa rencontre avec Maxime semble le rapprocher d’une réponse à ses questionnements. Il se rend cependant compte très rapidement que le vide de Maxime n’est pas le même que le sien. Il poursuit tout de même sa route avec Maxime vers l’objectif que ce dernier s’est donné.

Pendant ce temps, des suicides et des meurtres violents qui semblent gratuits se multiplient. Pierre Sauvé est chargé de l’enquête. Sa route croisera celle de Frédéric Ferland, psychologue. Les trois vies sont maintenant liées dans ce vide omniprésent.

Commentaires personnels

Ce roman de Patrick Senécal est souvent considéré comme une mordante analyse et critique sociale. Mais est-ce une critique ou une simple constatation ? Senécal y traite principalement de ce qu’il considère le vide, c’est à dire, l’insignifiance de nos vies en général. La réalité absurde de nos existences, la futilité de notre quotidien, l’injustice banale qui parsème la vie. Il appuie sur le malaise, la désillusion, le sentiment de déchéance…

Et il emploie tous les moyens pour nous le faire comprendre.

Les romans de Senécal oscillent habituellement entre l’intrigue policière et l’horreur. Et ce roman semble à prime abord ne pas faire exception. Bien qu’ici, il est vrai qu’on retrouve une analyse sociale qui penche beaucoup vers l’analyse psychologique.

L’auteur a choisi une façon particulière de nous présenter son roman. Un mise en forme qui a beaucoup étonnée la critique et les lecteurs. Les chapitres ne sont pas en ordre. Le livre commence au chapitre 21 puis passe au chapitre 8, etc. Le lecteur a donc le choix de lire le roman d’une couverture à l’autre, les chapitres en désordre et passant ainsi à travers de nombreux flashbacks – pour la plupart bien placée mais avec quelques passages plus boîteux. Ou alors, on suit l’ordre habituel, commençant au chapitre 1, à la page 31, puis au chapitre 2, à la page 249, etc. On privilège habituellement une façon de lire ou l’autre (en grande partie, la lecture dans le désordre…) mais personnellement, je trouve les deux lectures aussi difficiles et intéressantes.

Plusieurs critiques centrent leur analyse sur la critique que Senécal semble faire de la téléréalité. Il est vrai qu’il présente ce type de télévision sous un jour très négatif. Mais je crois que ce n’est pas le sujet central du roman. Les personnages sont au centre de l’histoire et surtout leur mal de vivre. Mais c’est un mal de vivre personnel, qui tente tant bien que mal de culpabiliser la société et sa supposée vacuité. Trouver un sens à sa vie, aller au delà de la banalité et de la routine, réaliser que finalement, l’absurdité de l’existence est évidente. Chercher à combler le vide par des rêves fous et finalement se rendre compte que la réalisation du rêve n’a rien changé dans ce vide de notre existence…

C’est cependant une erreur, selon moi, de ne voir dans le roman que du pessimisme, du noir, du fatalisme. Le roman, par plusieurs personnages, nous dit que ce vide que ressente certains personnages n’est qu’un vide personnel… on peut mettre le blâme sur tout et chacun, mais il n’en reste qu’à nous de le combler… et pas nécessairement par des moyens extrêmes, mais par de petits gestes.

Le roman ne me semble pas vraiment une enquête policière, même si le personnage de Pierre Sauvé, policier, demeure le plus intéressant. Son intervention policière dans la trame de l’histoire n’arrive qu’à la fin et est secondaire. Ce qui prime ici est le développement du caractère des personnages. Leur évolution personnelle est définie par divers moments clés qui changent leur vie dramatiquement.

Beaucoup de moments forts dans le roman de Senécal. Et on y note une nette évolution dans le développement des personnages. Mais il reste que personnellement, je vois de gros manques à cette histoire. Le passages les mieux réussis du roman demeurent selon moi, les chapitres traitant de la relation entre le policier et sa fille, et l’évolution du personnage de Maxime Lavoie. Ces chapitres sont pour la plupart bien menés, écrits sobrement et efficacement. Je note cependant, encore une fois, un surplus de scènes violentes, sexuelles pour la plupart, qui me semblent excessives. Ou plutôt non nécessaires à l’intrigue. L’impact de certains passages ne nécessitait pas cette abondance de détails. On a parfois l’impression que ces détails ne sont là que pour être bien sûr de choquer un peu et de rester dans la classe « gore » dans laquelle l’auteur fut placé avec ses romans précédents. Cela gâche la sauce, selon moi. Et cela me semble une écriture « adolescente ». Comme si l’auteur ne sortait pas de sa phase « choc, pipi, caca, pénis »… On a souvent l’impression que l’auteur en fait trop, à un point tel que c’est souvent plus « risible » que choquant. Et cela rend par moment son écriture « vide », sans intérêt. Car pour choquer et bouleverser il n’est pas nécessaire de tout dire… Plusieurs intrigues et personnages – tel le personnage de Frédéric Ferland – sont complètement perdus ainsi.

L’histoire est intéressante, et on peut nettement déceler par moment une écriture solide. Voyons voir comment Senécal poursuivra son travail de création.

L’avis de d’Alexandre (Fortrel), Stéphane, Stfoch (sur Plume Libre), Suzanne, Karine, Blogueuse cornue, Christian, Renart Léveillé.

Citations

« Sous les exhortations gestuelles de l’animateur de foule, les spectateurs en studio se mirent à applaudir, certains poussèrent même des petits cris d’enthousiasme. Tout en souriant, Maxime ne cessait de se répéter les consignes qu’il avait bien assimilées au cours de la semaine. Les consignes du jeu… » p. 126

« Non, on n’est pas cons, répondit Lavoie. Mais on ne veut pas réfléchir ! On n’en a pas envie ! Déjà qu’on travaille sept à dix heures par jour, on ne se fera pas chier à réfléchir en plus ! Faisons comme tout le monde, à la place ! Écoutons les mêmes conneries que tout le monde, mangeons la même merde, achetons les mêmes cochonneries et pensons tous la même chose ! C’est plus simple ! C’est rassurant ! Et pendant un certain temps, ça marche ! On se croit heureux parce qu’on est ce qu’on nous dit d’être ! Et on y croit, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? » p. 444

Sources

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